Chaux, produit écologique ? La réalité sur ce matériau
Ce texte est un extrait du livre "Chaux, pour tout savoir ou presque..." Tous droits réservés Patinesbio
..." La chaux est un matériau du bâti traditionnel d' AVANT les années 1930. C'était le liant majoritaire en maçonnerie, au côté de la terre, sur tous les continents et depuis l'antiquité.
Nombreux sont ceux qui déplorent l'arrivée du clinker de ciment au début du XX siècle. Le ciment est partout, c'est vrai. Mais la chaux est elle réellement un produit industriel moins polluant, plus "vert", plus écologique que son adversaire ?
J'ai écrit un article à ce sujet en 2015 "https://www.patinesbio.com/2015/04/la-chaux-est-elle-ecologique.html"
Je vous invite à le consulter ci-dessous.
MAERZ (HAUDAINVILLE
Le cimentier Holcim parvient à produire un clinker de ciment 100% recyclé https://www.actu-environnement.com/
On trouve partout le terme "écologique" associé au matériau "chaux". Ce qui me fait sourire, c'est la quantité de sites qui se disent "écolos" et qui vantent la chaux comme le parfait produit écologique dans le monde de la déco et du bâti. Mais est ce vraiment le cas ? Le monde a changé et la production de chaux également. Il me parait raisonnable de faire un rapide aperçu de la réalité sur la production et l'utilisation de la chaux aujourd'hui.
AVANT = Quand on consulte les anciens maçons, ils racontent que sur les chantiers de leurs pères, il y avaient toujours une fosse à chaux. La fosse à chaux, c'était un trou creusé par les ouvriers maçons directement dans la terre devant le chantier. On appelait le chaufournier (celui qui produisait la chaux) et il faisait livrer de la chaux vive dans des charettes tirées par des chevaux. Le chaufournier produisait de la chaux à quelques kilomètres du chantier. Les fours à chaux étaient donc répandus sur tout le territoire. Voici des illustrations sur lesquelles on voit le four à chaux alimenté en bois et les ouvriers qui chargent les pierres calcaires à la sortie du four : la chaux vive.
Four à chaux du XVIII siècle (LES FOURS A CHAUX DE CAUX)
Arrivés sur le chantier, les ouvriers versaient les blocs de chaux vive dans la fosse et couvraient d'eau. Après extinction de la chaux vive, ils obtenaient une chaux aérienne éteinte.
On peut noter que la chaux vive était aussi transportée sur des péniches pour atteindre des zones plus lointaines.
AUJOURD'HUI = le transport permet de mettre à disposition de tout le monde de la chaux aérienne ou de la chaux hydraulique fabriquée dans n'importe pays du monde ou de France. Vous comprenez bien qu'une chaux aérienne produite dans le nord de la France si vous êtes dans le sud, en Italie si vous êtes dans le Nord, en Chine, ou dieu sait où, n'est PLUS UN PRODUIT ECOLOGIQUE...
Le principe :
Le calcaire passe par différentes étapes nécessitant une source de chaleur. La pierre calcaire, composée de carbonate de calcium, est passée dans un four à haute température, et doit subir une calcination de 900° à 1100° ; le carbonate de calcium se décompose, le gaz carbonique est expulsé : on obtient alors de la chaux vive.
Avant : Pour obtenir une telle température, les fours à chaux étaient chauffés avec du bois (voir l'illustration ci dessus).
Aujourd'hui : au XXI siècle, on fabrique de la chaux industriellement :
1er : On extrait des énormes blocs de calcaire des carrières avec de la dynamite, des énormes engins tels que les bennes d'enrochement, les tracto...
2ème : On transporte les blocs avec les bennes d'enrochement sur le site où le calcaire va être cassé en morceaux plus petits. C'est l'étape du concassage ou du criblage.
3ème : On passe ces morceaux de calcaire dans des fours alimentés au gaz pour les cuire entre 900 et 1100°.
4ème : On broie ces morceaux de chaux vive
5ème : on éteint la chaux soit par pulvérisation d'eau soit par immersion dans des immenses bacs d'eau
6ème : On met en sachet
7ème : On transporte
Si vous voulez une chaux moins énergivore, vous devez donc choisir une chaux produite de manière artisanale, en France, et dans votre région. Certains argumentent sur la production de CO2 de la chaux : la chaux en carbonatant lors de son application réabsorberait le CO2 qu'elle a produit... Amusant n'est ce pas ? Lors de la carbonatation, la chaux n'utilise pas plus de 5% du CO2 que sa production a généré (transport, concassage, criblage, cuisson, extinction, transport...).
C'est un producteur de chaux qui m'a répondu : "à partir du moment ou le produit a subi une calcination, on considère qu'il n'est plus naturel". Vérification faite auprès des lois : " Pour être qualifié de « naturel », le produit doit contenir plus de 95% de « substances présentes dans la nature telles quelles, non traitée ou traitée uniquement par des moyens manuels, mécaniques ou gravitationnels, par dissolution dans l’eau, par flottation, par extraction par l’eau, par distillation à la vapeur ou par chauffage uniquement pour éliminer l’eau ou qui est extraite de l’air par un quelconque moyen ». Conseil National de la Consommation -
Seul le calcaire naturel destiné à être épandu dans les champs, donc qui n'a subi aucune transformation, répond à ces critères. Les autres chaux sont des produits dont l'indice carbone ne cesse d'augmenter si on continue à transporter les calcaires d'une région à une autre pour pouvoir les transformer en usine, les ensacher et les commercialiser dans toute la France (transport).
La chaux n'est donc pas un liant naturel puisqu'il y a calcination, décarbonatation et dégagement dans l'atmosphère de dioxyde de carbone.
Calcaire CaCO calciné = oxyde de calcium (CaO) et dégagement de Co2 dans l'atmosphère. CaCO3 → CaO + CO2
Pour qu'un produit soit considéré comme bio il doit provenir de l'agriculture biologique. La chaux n'est donc pas un produit bio.
La chaux aérienne ou hydraulique à l'état pur est un produit sain, c'est indéniable. (pas de solvant, pas de biocide, pas de COV).
Le problème vient des adjuvants que l'on rajoute dans les badigeons, les chaulages, les enduits de chaux. Si vous choisissez une colle de complément (fixateur de chaux, liant-colle) naturelle, votre peinture est saine ; sinon, votre chaux perd sa qualité de peinture saine car elle contient des produits issus de la synthèse pétrochimique (styrène butadiène, résines PVA/EVA, latex synthétique).
Si vous achetez une peinture de chaux contenant : du latex (= résine pétrole), du dioxyde de titane, de la méthyl de cellulose, des biocides, des suspensifs chimiques... votre peinture de chaux devient "suspecte".
Si vous optez également pour une sous-couche d'accroche commercialisée actuellement pour peindre à la chaux sur des supports non adaptés (placo, ciment, peintures...), vous perdez également tout le bénéfice de la chaux. Ces sous-couche d'accroche sont à 98% constituées de sables ou de silice ou de poudre de marbre ou de craie + des résines polymérisées (latex synthétique, acryliques, colle PVA...).
Un produit naturel qui est traité industriellement à haute température pour modifier sa composition chimique n'est pas un produit naturel. Telle est la chaux. Quelles différences avec la production du clinker de ciment ?
Pour obtenir un ciment Portland on fait chauffer des roches (calcaires et argiles) à 1450° au lieu de 1100°. Dans les deux cas, le produit obtenu (chaux aérienne ou hydraulique ou clinker de ciment) est énergivore. Voir cet article à propos de la différence chaux/ciment
Sinon, les deux produits chaux et ciment sont alcalins et corrosifs. Si on s'arrête à la chaux vive, c'et un produit très corrosif et beaucoup plus que le ciment ! Pour tous les sceptiques :
Prenez de la chaux vive, versez un peu d'eau, attendez : la température va s'élever à 70° et des éclaboussures d'eau bouillante vont se produire. Plongez y les mains. Appelez les pompiers...
Prenez du ciment en poudre, ajoutez de l'eau : plongez y les mains. Elles seront un peu pelées mais sans plus. Pour que le ciment vous brûle réellement, il faut que vous les plongiez un temps relativement long.
Pourquoi tant d'attaques sur le ciment ? Le ciment est un produit rigide, cassant incompatible avec les matériaux souples (bois, pisé, pierres) que combinent les architectures anciennes. Il est particulièrement néfaste sur le bois qu'il attaque et fait pourrir. De ce fait, on recommande de peindre ou de vernir les bois qui seront en contact avec le mortier de ciment ou le béton. Donc, on ne rénove pas un bâti ancien au ciment (mortier, béton).
La chaux est souple et compatible avec les produits naturels. On rénove un vieux bâti avec de la chaux. En contrepartie, elle ne permet pas du tout d'obtenir les mêmes prouesses techniques que le ciment. Une maison écologique est-elle plus résistante aux intempéries et aux attaques des ans qu'une maison en béton ? Vous qui possédez une maison ancienne (j'ai un mas du XIX siècle en pisé), vous savez qu'il faut tout autant entretenir votre bâti qu'une maison moderne en béton. Un pisé mal imperméabilisé voit sa façade "fondre" (c'était le cas du mas) ; un pisé qui subi une infiltration d'eau, se désagrège ; un mur en pierres non entretenu, s'écroule... etc. On privilégie donc un mortier de chaux pour restaurer le bâti ancien ou pour construire un bâti écologique dont les matériaux nécessitent de la souplesse. Voir l'article "Pourquoi la chaux est bonne pour nos maisons"
On est loin d'avoir atteint les limites du ciment en architecture contemporaine. Le ciment possède en effet des qualités mécaniques de résistance et de rigidité qui lui permettent, allié au fer et à l'acier, de donner lieu à des prouesses techniques.
Regardez cette construction en béton conçu par Rudy Riccioti en béton de fibres à ultra haute performance. Mucem Marseille. 2013
En conclusion, on a fait de l'industrie du clinker de ciment une production destructrice de l'environnement. Et on met en avant le fait que le ciment est un désastre pour nos constructions.
D'un autre côté, on prône la chaux comme un produit écologique, très bénéfique pour nos maisons. Oui pour les bâtis anciens en rénovation mais pas si sur que ça pour les bâtis contemporains...
La réalité est bien différente : la production de chaux comme celle du ciment implique un indice carbone élevé (machines industrielles) + un impact environnemental non négligeable (carrières) + une production énergivore (fours à très hautes températures).
Je ne fais pas l'apologie du clinker de ciment mais il faut rester mesuré et cesser d'écouter les propos non argumentés des écolos de la dernière heure... Le seul matériau réellement écologique est la terre non cuite.
Voici un article paru dans la revue Maisons Paysannes de France - n°170 qui résume la production de ces liants
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